Deux hommes, avec des
airs de gangster, de chaque côté de la scène. A tour de rôle chacun va faire un
pas vers l’autre. Ils ont l’accent de la Sicile.
LÉON. – Cet après-midi on retrouve
le gros Tony au parc pour l’échange des sacoches.
DOMINIQUE. – A quelle heure ?
LÉON. – Juste avant la pause cappuccino, à 15h45!
DOMINIQUE. – Et on lui dit
quoi ?
LÉON. – On lui dit rien… on
échange les sacoches.
DOMINIQUE, en sortant son arme.
– Et s’il refuse…
LÉON. – Il ne refusera pas puisque on est en deal avec lui.
DOMINIQUE. – Ouai… mais s’il y a
un maquereau qui vient s’en mêler, on le fume !
LÉON. – Ce serait un âne de se
frotter à nous. Tant pis pour lui, il se fera avoiner –hé-hé-.
DOMINIQUE. – Et si c’est des poulets,
on les grille.
LÉON. – Enfin, s’il y en a, on les
laissera gambader, moi, je les préfère sans plomb.
DOMINIQUE. – Ou alors, flambé au
colza, c’est plus écologique…
LÉON. – Mais non, on ne touche pas
aux gallinacés. On ne les regarde même pas. Sinon le petit parrain français
–hé- va nous pondre une loi de là-haut –oh !-.
DOMINIQUE. – Mais nous on ne
comprend que la loi du milieu.
LÉON. – On a le respect de la
famille… Et on « écoute » la parole de nos aînés.
LÉON. – Et on « répond »
à l’appel du ventre… (En faisant « parler » son ventre.) Gratin
dauphinois !
LÉON. – Escalope de veaux !
DOMINIQUE. – A table !
LÉON. – Viens manger, dépêche
toi !
DOMINIQUE. – Tagliatelles à la
carbonara !
LÉON. – Houa ! Les dernières
tagliatelles à la carbonara de « ma belle-mère » ! (Avec un air
écoeuré.) Mémorables !
DOMINIQUE. – Mamma mia !
Parfumées et juteuses. Magnifique !
LÉON. – Oui, enfin, c’est surtout
des oignons et de la crème. Comme « ma belle-mère » !
DOMINIQUE. – Comment ça ?
LÉON. – Et bien oui, odorante et
pleine de graisse !
DOMINIQUE, s’avançant vers Léon.
– « Ta » belle-mère sent l’oignon et baigne dans le gras ? T’en
as de la chance, toi, la mienne est tellement squelettique qu’elle me coupe
l’appétit quand elle me sert ses pâtes bolognaises en boîte.
LÉON. – Parce que tu sais faire la sauce, toi ? En plus elle vient de
là-bas, dit ! Le goût de l’Italie ! Je voudrais bien te voir
transportant toutes ces boîtes depuis le pays.
DOMINIQUE. – Arrête donc, elle les transporte en voiture… En plus,
elles ne doivent pas être bonnes pour se faire vomir comme elle le fait !
LÉON, s’avançant vers Dominique. – Comme tu parles de
« ta belle-mère » ! Les boîtes, c’est diététique ! Au
moins elle ne passe pas toute la journée à les digérer comme « ma belle-mère ».
Il faut la voir prendre sa langue pour un cure-dent. Slurp ! A croire que
sa dent creuse, c’est un garde-manger.
DOMINIQUE, s’avançant vers Léon. – Et bien oui, c’est des manies
de vieux. Parce que tu crois qu’avec le petit cul qu’elle a « ma »
belle-mère, elle se gêne pour péter à table…
LÉON. – Quoi ?!...
DOMINIQUE. – … sans donner
d’excuse, à croire qu’elle est sourde !
LÉON, s’avançant vers Dominique.
– Eh dit donc, ça suffit ! Tu ne parles pas de ma mère comme ça ! On
ne t’a pas appris, dans ta famille, à tourner la langue dans ta bouche
avant de raconter !
DOMINIQUE. – Eh ! Toi aussi
t’as descendu ma mère ! Parce que tu crois que ça fait plaisir d’entendre
sa mère traitée de soupière ? Au moins, elle sait faire la cuisine !
Ce n’est pas comme la tienne qui prend une balance pour vous servir et qui se
sape au rayon Barbie !
LÉON. – Et la tienne prend les
assiettes pour des auges ! Telle mamma, tel petit… Heureusement qu’ils ne
sont pas tous comme ça dans ta famille !
DOMINIQUE. – T’as vu ma
mère ! Et dans 30 ans, tu crois que ma sœur va ressembler à qui !
Ils mettent tous deux la mains sur leur flingue.
NOIR. Les deux truands sortent leur arme et se
mettent en joue.
LUMIÈRE. Les deux
truands prennent un temps de réflexion. Puis, sans accent…
LÉON. – Ce n’est peut-être pas
assez pêchu, qu’est ce que tu en dis ?
DOMINIQUE. – Non ça va. (Il reprend ses esprits.) J’ai même failli
sortir du jeu avec l’histoire des belles-mères. (Il a un grand et large sourire forcé.)
LÉON. – Ah bon ? Et pour
l’accent ? Je ne suis pas trop sûr…
DOMINIQUE. – Non ça va. (Ils vont pour sortir par le fond de scène.
Dominique s’arrête et pointe Léon de son arme.) Dit donc ! Tu penses
vraiment ce que tu as dit… sur ma mère ?
NOIR. Bruit de coup de feu.
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