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* Je mets mon roman "Tratinium" en ligne sur amazon. Vous pouvez ajouter vos commentaires ici (et voir plus bas), j'y répondrais :)

mardi 26 mars 2013

Deux oiseaux oubliés dans le froid.


Ecriture sur le principe du cadavre exquis :
J’ai choisi des bouts de texte dans des livres pris au hasard. Je n’ai noté le passage que s’il me semblait enrichir une histoire… mais laquelle ?

Des vies d’oiseaux (V. Ovaldé) p207
Il dit, « D’accord, je viens avec toi ».
Il le dit comme s’il concédait quelque chose à Adolfo, pour tant n’est ce pas lui qui a appelé au secours, n’est ce pas lui qui a crié au téléphone, « Je n’en peux plus, sors-moi de là ».
Si tu t’imagines (R. Queneau) p145
« Si je parle d’un homme, il sera bientôt mort,
Si je parle du temps, c’est qu’il n’est déjà plus, […]
Si je parle des ans, c’est pour anéantir, […]
Et ses cris répétés ne peuvent que me nuire ».
Le père Goriot (Balzac) p49
Comme tous les esprits rétrécis, Mme Vauquer avait l’habitude de ne pas sortir du cercle des évènements, et de ne pas juger leurs causes.
La jalousie (S. Guitry) réplique de Lézignan
Il aimait trop les femmes des autres !
Se marier, c’était faire le bonheur de ses amis !
L’attente, l’oubli (M. Blanchot) p 77
Il essaya de lui dire qu’elle ne devait pas se laissait retenir par cette pensée.
Une mauvaise journée (V. Nabokov)
Ils s’engagèrent dans un couloir, puis montèrent un escalier […] Par bonheur, il n’y avait personne.
L’insoutenable légèreté de l’être (Kundera) p50
Il commençait à avoir mal à l’estomac, comme ça lui arrivait dans les moments de détresse, […] une pression au creux de l’estomac et le désespoir d’être rentré.

Voyez plutôt :

Hervé dit, « D’accord, je viens avec toi ». Il le dit comme s’il concédait quelque chose à Adeline, comme s’il était détaché de ce choix, comme s’il était un témoin compatissant des troubles dont elle souffrait.

Adeline avait dit, « Si je parle d’un homme, il me fera prisonnière. Si je parle de distance, il revisitera chaque moments de notre histoire. Si je parle du vide, il ne l’acceptera pas. Je ne peux l’affronter, sans te savoir tout près ». Elle avait perdu tout sentiments pour cet autre, s’effrayant de la passion qu’il lui imposait, de l’amour qu’il lui donnait en spectacle. Elle en avait fait sa vie, au point de ne pas oser s’oublier en une autre. Et puis il y eut Hervé...

Comme tous les esprits rétrécis, Hervé avait l’habitude de savourer l’instant présent, de se contenter du plaisir ambiant, et de ne pas considérer les lendemains. Il aimait les femmes des autres ! Toutes lui convenait du moment qu’elles le regardaient. Se ranger, c’était faire le bonheur des ses amis ! Et pourtant il ne comprenait pas ce qu’il était en train de faire, ce qu'il avait déjà commencé à faire. Il lui avait dit qu’elle ne devait pas se laissait effrayer par ses pensées, qu’elle ne devait pas vivre de résignation, qu’elle ne devait pas hésiter à rompre avec ses doutes.

Ils se retrouvèrent devant chez elle. Ils s’engagèrent dans un couloir, montèrent un escalier, sans un mot, sans un regard, sans un contact.

Elle gravissait, lentement, suspendant le temps pour retarder la confrontation. Lui s’arrêtait, non pas pour lui laisser du temps, mais pour simplement retrouver son souffle, ne sachant plus comment il fallait s’y prendre, inconscient que chaque pas l'engageait encore plus.
Leurs peurs les inondaient de sensations effrayantes au point de perdre de vue leur bonheur. Il n’y avait encore personne pour les déranger. Ils étaient en proie avec leur pire frayeur. Tout retour brutal au réel les aurait fait défaillir.

Elle était une belle plante. Elle était enfermée dans un rêve, servit généreusement jusqu’à l’étouffement. Elle devait oser lui parler. Elle savait qu’elle faisait le choix de revivre la passion. Et pourtant, elle avait peur que ce soit encore une étape de plus avant le bonheur.

Il était une montagne. Il n’avait qu’à hausser le ton pour impressionner quiconque. Et pourtant, il commençait à avoir mal, comme ça lui arrivait dans les moments de solitude. Il sentait une pression immuable au creux de l’estomac. Le désespoir d’être rentré, dans une nouvelle vie, qui pourrait être heureuse… si elle ne s’imposait pas à lui.


Il ne manque que le titre, ce sera : Deux oiseaux oubliés dans le froid.

mardi 12 mars 2013

Les portes étaient fermées.

J’étais là, avec tant d’autres, devant ces deux gigantesques portes closes. Autant au début j’étais sûr qu'il n’y avait pas un bruit derrière, autant maintenant, avec tous les arrivants qui s’accumulent de partout, il n’y a plus moyen de savoir ce qui se passe de l’autre côté.

Je me suis résigné à ne plus taper sur cette porte, mais d’autres s’en chargent déjà.
Cela fait un sacré bout de temps que nous sommes là, à attendre. Je connais déjà toute la vie de mon voisin, du voisin de mon voisin et de celle de son voisin. Et j’ai moi-même maintes fois raconté la mienne, au point de ne plus y trouver de sens et d’intérêt. J'en suis à me satisfaire d'un résumé succinct que j’adresse par politesse aux nouveaux venus. Heureusement qu’il y en a encore ! Ils nous permettent d’avoir des nouvelles de la Terre et d’entendre de nouvelles histoires, en patientant calmement.

Étrangement nous n’avons ni faim, ni soif, ni froid, ni chaud non plus. Nous ne sommes pas même fatigués. Nous devenons insensibles au temps qui passe. Notre espace vital se réduit, mais de toute façon être debout ou assis nous importe peu. J’ai l’impression que nous nous faisons plus petits à mesure que d’autres arrivent.
Certains portent leurs enfants sur les épaules. Ils ont de la chance, ils conservent pour eux la naïveté des jours heureux et peuvent à l’infini se réjouir de ce qu'ils auraient pu apprendre et vivre tous ensemble.

En fait, depuis l’ère du Phénix, il n’est plus question de mourir. On peut certes, se retrouver ici, devant ces portes, mais il suffit de le vouloir pour retrouver aussitôt son corps. Les médecins l’ont très bien compris. Ils "s’évertuent" d'ailleurs à vous réparer, à vous rafistoler, à vous remembrer si nécessaire. Du moment que le corps peut être soigné, sa réanimation n’est plus un problème car le cœur repart toujours. Dès lors, les cancers sont arrachés et les tumeurs brulées... tout simplement. Les traitements pouvent être longs et douloureux, mais le cœur repart en même temps que la conscience revient. Bien entendu, le risque est de réintégrer un corps dont le cerveau n’a plus été irrigué pendant longtemps. Et pour éviter toute souffrance, et pour appaiser les proches, les corps sont presque toujours incinérés.

Pour ma part, j’ai eu un accident de la route. Mon corps était en charpie. Trop de fonctions vitales ont été détruites. Ce fut une souffrance indescriptible à chaque fois que je le réintégrais. Je faisais de l’acharnement à la résurrection. Le plus terrible était de ne plus pouvoir communiquer avec les miens. J’ai cessé de souhaiter retourner dans mon corps. Le peu d'organes qui pouvaient encore fonctionner ont été donnés.
Dès fois j’ai l’impression que mes poumons se gonflent en absorbant de grandes bouffées de fumées… Ils ont été greffés sur quelqu'un qui ne connaît pas sa chance d’être sur Terre.

Un jour, tôt ou très très très tard, vous arriverez ici, au « Petit Paradis ». C’est un endroit où l’on a le temps de ruminer sa vie ; de se réjouir d’avoir vécu ; de se remémorer des odeurs de cuisine, la caresse du vent, la chaleur du soleil, l’ignorance des autres...

Ici nous faisons le point sur nos vies et nous attendons nos amis, notre famille, les enfants de nos enfants. Nous attendons que ça ouvre…

Je suis sûr qu'ils ont fermé pour rénovation !