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mardi 22 mai 2012

Il y aura une fille…

Trente minutes de retard ! Le froid était terrible. Il releva son col... De toute manière, il était là pour la journée. Il ne quitterait le Portail Rouge que le cœur déchiré. Il l’avait espéré toute une vie d’étudiant et ce jour à dix heures, il allait s’émerveiller de son apparition. Il se rappelait son regard et son sourire qui l’accompagnait alors qu’il rejoignait la sortie de la boîte de nuit. Trois copains l’attendaient patiemment pourtant las d’une soirée sans flirt.
-        Je t’attendrai, avait-elle dit en lui serrant les mains en guise d’adieu.
-        Ou je t’attendrai, avait-il reprit en les lâchant.

C’est ce qu’il faisait, et ces trente minutes d’attente lui permettaient encore de se remémorer cette rencontre. Ils s’étaient quittés en découvrant une de leurs qualités qui s’accordait à merveille avec leur principal défaut, et c’était lui qui en savourait le parfait mélange.
-        Je suis souvent en retard, avait-elle avoué en fermant les yeux.
-        Cela m’arrive aussi, avait-il répondu en replaçant sa longue mèche bouclée.

Tout c’était passé comme un rêve envoûtant dont il visionnait à plaisir toutes les scènes dans son esprit éveillé. Il lui parlait comme il aimait le faire, en la regardant dans les yeux, presque nez à nez pour mieux l’entendre dans le brouhaha de la discothèque. Il avait apprécié qu’elle ne lui raconte pas sa vie dans le creux de l’oreille. Elle avait simplement soutenu son regard comme par gourmandise. Il revoyait ses lents balbutiements de paupières comme des intentions sensuelles. Il n’avait alors qu’une idée en tête, la revoir. Il n’avait qu’un désir, l’aimer. C’est pour cela qu’il n’avait pas manqué l’occasion de lui proposer ce rendez-vous.
-        Bien sûr… Je vais même chercher lundi mon diplôme officiel d’assistante de direction au lycée du Portail Rouge ! J’y vais avec toutes mes copines pour neuf heures et demi, dix heures, avait-elle dit.
-        Je connais bien. Nous pourrions nous retrouver à dix heures devant le portail, l’avait-il interrogé en approchant sa main de ses cheveux roux.

C’était le rendez-vous le plus rapide qu’il ait pu obtenir dans toute sa vie de don juan. Cette fille était le catalyseur de sa vie, avec elle tout allait s’accélérer. Il avait fait de nombreuses rencontres et avait expérimenté l’amour, ainsi que le sexe. Il avait adulé, chérie, abusé ; il avait été aimé ; il s’était même permis quelques trophées. Mais cette fille était tout autre, son absence lui faisait mal... Il aimait cette sensation de dépendance foudroyante jusqu’alors inconnue. Il aimait cette attente où les souvenirs réchauffaient son cœur et n’offraient aucune prise au froid.
Plongé dans ses rêves, il revoyait son doux visage s’illuminer de rondeur. Une fine lèvre supérieure dévoilait des dents blanches et régulières comme un piano sans bémol. Une autre plus charnue prenait une courbure sensuelle. Toutes deux s’associant en un sourire voluptueux.
Elle avait souri à ces seuls mots :
-        J’espère que vous êtes majeur.

Il jubilait à nouveau de cette réplique qui lui avait valu un sourire et lui avait permis de rebondir sur ce rendez-vous.
Il était à ses côtés. Il se rappelait de l’odeur suave et fraîche de sa peau douce. Il revoyait ses yeux bleus dans lesquels il n’était plus gêné de se baigner. Il venait de l’embrasser… dans ses souvenirs il l’embrassait encore. Le temps n’était plus sa compagne.
Il avait trouvé sa langue douce, dodue et saliveuse de la plus agréable des manières… elle lui communiquait le goût de l’ivresse. Elle avait su être tendre, ferme et joueuse.
Dans cette attente pleine de promesses, ces baisés réchauffés perdaient en réalité. Il ne manquait qu’elle, la belle qu’il avait abordé. Il avait osé s’assoire à ses côtés, dans l’interstice inoccupé de ses amies, et avait attaqué par une longue litani.
-        Je vous regarde depuis que je suis là. Maintenant qu’arrive l’heure de partir, j’ai le courage de vous dire combien vous me plaisez. J’ai adoré vous voir bouger, danser, parler avec vos copines, éconduire les garçons… Je vous ai vu bailler… J’ai été troublé par vos regards. Je m’appelle Thierry, avait-il dit le cœur emballé par tant d’audace. A chacune de ces phrases le visage de la bimbo s’illuminait de plus belle.
-        Enchanté. Vous m’avez provoqué les mêmes tourments. J’ai cru devoir rester tout le week-end avant de vous voir venir. Je suis heureuse que vous me saluiez avant de partir. Je m’appelle Marie-Hélène, avait-elle dit en prenant des couleurs chaudes. A chacun de ces mots l’esprit du bellâtre se troublait de plus belle.
Il avait senti le trouble qui les envahissait et savait qu’il n’aurait pas le temps de provoquer à nouveau cet émoi. Il décida de s’avancer pour forcer le destin. Il approcha ses lèvres sans douter, jusqu’à rencontrer les siennes.

Devant le portail du lycée, il patientait inlassablement. Il dévisageait toutes les silhouettes qui apparaissaient à chaque extrémité de la route ou de la rue piétonne en face de lui. Peu de personne fréquentait ces lieux depuis que la cloche avait sonné le retour en classe.
-        Par où apparaîtras-tu, songea-t-il. Quand viendras-tu chercher ton diplôme ?
S’apprêtant cette fois à revivre chronologiquement sa rencontre, il fut pris d’une vision agréable.
-        Et si elle avait déjà son diplôme en main… Et si elle était déjà là…
Il se retourna, comme guidé par une intuition fébrile. Dans la cour du lycée, il n’y avait personne mis à part une jolie fille engoncée dans une parka beige et tenant en équilibre sur un seul pied. Elle semblait jouer à un-deux-trois-soleil. Elle portait un sourire radieux, ainsi qu’une grande enveloppe brune.
Il hésita un instant et puis il se détourna quelques secondes. Il avait peur qu’elle disparaisse. Quand il regarda à nouveau, elle était toujours là, à peine plus proche, en appui sur l’autre pied. Il n’eut pas la patience de finir le jeu, elle était enfin arrivée, il voulait l’enlacer. Ils se rejoignirent à mi-chemin.

Dans la cour du Portail Rouge deux amoureux discutaient, heureux de dévoiler leur attirance. Ils se promenèrent dans le petit parc qui séparait les bâtiments scolaires de la résidence. Ils se racontèrent le long week-end qui les avait tenu séparés, les films qu’ils avaient aimés, les rêves qu’ils voulaient vivre.
Il connaissait la résidence pour y avoir batifolé. Marie-Hélène la connaissait pour y avoir encore habitée l’année précédente. Ce fut leurs derniers sujets de conversation dans ce parc.

Dans la résidence, deux intrus poussés par une fausse curiosité allaient vérifier l’existence d’une chambre sans serrure. L’ayant trouvée, ils déplacèrent l’unique lit dépouillé pour bloquer la porte.
Ils étaient lucides, responsables et matures.

Ils furent passionnés, fougueux et bruyants.

Ils seront heureux, mariés et parents.

Dans la chambre sans serrure d’où une extase s’échappa, un col était franchi.

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